RAMÓN DE PERELLOS ET BERNAT METGE
Lorsque les mers étaient pleines d'îles inconnues, on découvrit que l'entrée du Purgatoire se trouvait en Irlande, dans une grotte de l'île de Saint-Patrice. Les pèlerins y accouraient nombreux, mais il fallait être un chevalier bien éprouvé pour affronter la terreur d'un tel voyage. L'un de ces chevaliers, Ramon de Perellós, nous a donné une relation de cette aventure. Elle nous a été transmise par une traduction languedocienne du xve siècle 1. C'est après la mort de Jean Ier, roi d'Aragon, que Ramon de Perellós, son conseiller et son chambellan, forma le projet de visiter le Purgatoire. Il était si fidèlement attaché à ce prince qu'il désirait savoir quel était le sort de son âme. Il pouvait compter sur de nombreux appuis, car il avait été élevé à la cour de France, et son compatriote Pierre de Luna occupait le siège pontifical d'Avignon. C'est sans difficulté qu'il obtint du roi Richard d'Angleterre, le 6 septembre 1397, un sauf-conduit où il est déclaré qu'il avait « le dessein de passer en Angleterre et de là en Irlande avec vingt hommes et trente chevaux pour visiter le Purgatoire de Saint-Patrice ». Lorsqu'il débarqua en Irlande, le comte de la Marche le dissuada de poursuivre sa route en faisant valoir que de nombreux chevaliers avaient trouvé la mort dans la caverne.
Ramon de Perellós ne se découragea pas, car il était résolu à étonner le monde par ses « vaillantises ». Le début du récit paraît assez vraisemblable, mais il se perd bientôt dans la fiction. Et comme Ramón de Perellós s'appuyait sur la relation latine de Henry de Saltrey, qui attribuait au chevalier Owen ce fabuleux voyage, l'érudition moderne l'a accusé d'imposture et de supercherie2. C'est beaucoup trop dire. Il est plus naturel de penser que
1. Jeanroy et Vignaux, Voyage au Purgatoire de Saint-Patrice. Textes lang. du xve. Toulouse, 1903.
2. Cf. Jeanroy et Vignaux.
Bull, hispanique. 1