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quelques beaux monuments de grande envergure, bien des dolmens sont de
dimensions modestes se limitant à une chambre rectangulaire précédée,
dans le prolongement des supports de la cella, d'un couloir dégradé.
Beaucoup sont de petits monuments perdus sur le Causse du Minervois où
Cazalis de Fondouce, Miquel, Averous et d'autres en ont vidé pas mal.
Les dolmens des Corbières ont souvent subi le même sort après les
recherches des Landricq et les inévitables clandestins. Dans les
Pyrénées-Orientales leur lot n'a guère été meilleur et la plupart ont
subi un sort identique. Au total les répertoires de G. Sieard, P. Vidal»
P. Ponsich, entre autres nous ont donné la liste des principales
sépultures parvenues jusqu'à nous.
Si' notre choix s'est
d'abord porté sur le monument de Saint-Eugène, c'est parce qu'il
constitue le premier mégalithe fouillé dans le bassin de l'Aude. Le
riche mobilier que G. Sieard en excava de 1924 à 1938 et la célébrité
méritée qu'il donna à ses trouvailles au cours de nombreux comptes
rendus, imposait qu'on s'y attachât en premier lieu (1). Nous ne
reviendrons pas ici sur l'intérêt de ce mobilier sur lequel nous avons
déjà eu l'occasion d'insister (2). De plus tous les spécialistes du
Chalcolithique le connaissent bien, depuis que le fouilleur en a donné
un bon inventaire (3).
Le monument s'élève dans la commune de
Laure-Minervois, domaine de Russol, parcelle cadastrale n° 125, à l'Est
de l'ancien chemin de Laure à Caunes, sur une eminence actuellement
plantée de pins d'AleD. 71 n'avail guère été touché depuis sa fouille.
En trente-cinq ans il s'était considérablement dégradé pour de simples
raisons : lors de la fouille son remplissage avait été rejeté à
l'extérieur au-dessus des supports (cette façon de faire avait été
grandement facilitée par l'absence totale de tables de couvertures).
Autrement dit l'on ramassait et l'on jetait directement à l'extérieur.
Il s'ensuivit que ce phénomène avait élevé de façon assez considérable
l'intumescence tumulaire, laquelle avait fini par faire pression sur les
supports que le remplissage interne, désormais inexistant, ne
permettait plus de se maintenir à la verticale. Plusieurs de ces
supports s'étaient affaissés vers l'intérieur du monument; par endroits
les murettes en pierres sèches qui faisaient fonction de supports là où
ces derniers faisaient défaut, s'étaient écroulées; enfin un peu partout
d'anciens déblais avaient reflué dans le mégalithe, à la faveur du
ruissellement, ce qui y avait constitué des sortes de micro-
■>boulis.
C'est la raison pour laquelle, en 1962, nous
dénoncions au Ministère l'état de délabrement du site et organisions une
campagne en faveur de sa restauration. Car ce beau monument de 16 m de
long sur 3 m de largeur maximum est sans conteste l'un des plus
intéressants de cette région et nous nous étendrons bientôt sur ses
caractéristiques architecturales. De plus il est par son envergure le
deuxième dolmen du département de l'Aude après le Palet de Roland (ou
dolmen du Moural des Fades) à Pépieux, duquel nous comptons aussi tirer
tout le parti qui s'impose (4).
Satisfaction nous fut accordée
et nous nous devons de remercier ici tous ceux qui ont grandement
facilité notre tâche par leur travail ou leur compréhension : M. Escalon
de Fonton, Directeur des Antiquités Préhistoriques, qui transmit notre
appel au Ministère et encouragea nos
(1)
Voir essentiellement G. Sicard, Bull. Soc. d'Et. Scientif. de l'Aude,
1926, pp. 207-208; 1930, pp. 195-229; Bull. Soc. préhist fr., 1930, pp.
536-544. (2) J. Guilaine. — Bull Soc. préhist. fr.. 1958, pp. 462-464
(figures 6 et 7); Bull. Soc d'Et. Scientif. de l'Aude, 1962, pp.
115-125. (3) G. Sicard. — Op. cit., 1930. (4) Mentionnons à propos de ce
monument que, grâce à l'aide de la Conservation Régionale des Bâtiments
de France qu'il nous est agréable de remercier ici, nous avons pu, dans
le courant de l'année 1963, le faire protéger plus efficacement par la
pose d'une solide clôture.